Organiser les relectures, penser le gain de temps

Tandis que Nel' sur son blog explique les solutions trouvées pour surmonter les difficultés au niveau de la coordination, un exemple concret de question organisationnelle du côté des relectures. Actuellement, je suis précisément en train d'assurer le suivi en parallèle :

  • Reprises sur relecture de fond de Nel' sur Occultisme
  • Encadrement des relectures de forme sur Occultisme
  • Encadrement des relectures de forme sur de grosses nouvelles rédigées par Nico du Dème de Naxos (NdddN), Elenyl et Ikaar
... et cela ne représente que les chantiers de relecture (pas l'écriture ni le suivi des figures de mécène)...

Comment faire pour s'en sortir avec plus de choses à faire sur le même espace temporel qui ne peut être étiré ? Il faut mieux s'organiser.


Phase 1 : Mind-map (ou carte conceptuelle)


La mind map, ou carte conceptuelle pour parler en français, est un schéma grâce auquel on organise les informations, et qui permet d'embrasser d'un coup d'oeil les données. Ci-dessous celle que j'utilise et mets régulièrement à jour :




Vous noterez les smileys mignons signalant si les personnes sont disponibles, pas ou peu : nos relecteurs contribuent à la qualité de la gamme en donnant de leur temps libre et des heures de sommeil. Vous les découvrez dans les crédits après qu'ils se soient esquintés les yeux sur les textes et les maquettes jusqu'à pas d'heure ! ... Je suis témoin privilégié de leur engagement et de leurs efforts pour rattraper des retards ou essayer de gagner un peu de temps pour donner du mou à notre maquettiste. Merci à eux !

Corrélativement, cela signifie qu'ils ne sont pas disponibles en permanence, certaines contingences de la "vraie vie" pouvant les empêcher de participer efficacement durant une période plus ou moins longue. Il s'agit pour moi de me tenir au courant et de m'assurer qu'aucun n'arrive à un point de rupture pour cause d'épuisement. Esteren est un marathon en équipe et il faut parfois se relayer dans la longue course.

Si l'usage des mind-map est un vrai progrès pour moi côté suivi, il y a eu un complément déterminant et encore en construction et développement, initié par Pierstoval (que je remercierai jamais assez ! Il a même changé la couleur bleue de base du Redmine pour un vert qui me plaisait davantage !)

Phase 2 : Redmine


Avec la mise en place de la plateforme Redmine - Esteren, je dispose de davantage d'outils de suivi, des filtres et plein de bidules pour classer les infos, lier les demandes, créer des projets et sous-projets... un rêve de data manager ! 

En terme de gain par rapport à la mind-map : pouvoir manipuler plus d'infos simultanément, une mise à jour facile, et des liens (il suffit de cliquer sur un intitulé de texte pour avoir toutes les infos sur les commandes d'illustration liées par exemple).




Cela fait depuis août que je travaille quasi quotidiennement sur cette plateforme. J'essuie encore quelques plâtres et me rends compte que j'ai ponctuellement une redondance d'information résultant de ce que je n'ai découvert certaines fonctions qu'à l'usage, courant septembre ou octobre. 

Nouvelle phase de test pour amélioration de l'efficacité : l'accès au Redmine pour les vaillants relecteurs. 

Quel avantage ? Essentiellement la transparence et de l'accès à l'information au niveau de l'équipe : auparavant, quand Nel' voulait savoir où en était un texte dans le cycle des relectures, il devait me mailer, moi vérifier, lui faire un rapport... Là, l'information est directement accessible. De même avant j'ignorais l'état d'avancement des illustrations : Nel' devait vérifier "manuellement" auprès des illustrateurs où ils en étaient. Et même si les illustrateurs ou les relecteurs mailaient régulièrement leur avancement, le souci était celui de l'encombrement des boîtes mail : trop de messages. Il fallait distinguer les mails de suivi (savoir où en est qui pour avoir une vision d'ensemble de l'avancement), et les mails "autres", à traiter. Là aussi, c'était faisable, mais perte de temps.

Au final, les pertes de temps sont de plusieurs natures, souvent de petite taille pris chacun indépendamment, mais cumulées, elles deviennent une véritable gêne. Et c'est pourquoi je cherche avec tant de zèle à les identifier pour fluidifier les processus, réduire la fatigue, gagner en confort de travail, ... et en productivité !

Construire et publier une gamme de JDR (2014)

Continuons la rétrospective Esteren avec l'année 2014…Vous pouvez retrouver les articles précédents ici (2010-2011), là (2012) et là (2013).
Image : Quo vadis, baby?

Adapter la trajectoire

Depuis septembre 2010, beaucoup de choses avaient changé pour notre projet. D'un côté, beaucoup de points positifs et de belles perspectives suite aux succès des premières souscriptions via Ulule et Kickstarter. De l'autre, une masse très importante de travail supplémentaire sans qu'il soit encore possible de s'investir pleinement dans le projet : en clair, gagner suffisamment d'argent pour s'y consacrer à plein temps. Mes tâches à la coordination avaient pris beaucoup d'ampleur et je rêvais d'avoir un assistant au quotidien, qui pourrait m'épauler, notamment sur les suivis de fabrication et les questions logistiques. L’équation commençait à se compliquer : plus de travail à absorber mais une structure qui restait la même.

Sur un autre registre, alors même que chaque nouvelle publication était à chaque fois un succès, il nous fallait trouver une solution pour structurer un calendrier avec des sorties régulières. Sans cela, impossible d'envisager une pérennisation de l'activité : même sans salaire fixe à sortir tous les mois, l'éditeur avait augmenté les revenus de l’équipe afin de compléter les droits d'auteur. Ajouté aux dépenses pour la production des contenus et les dates de la tournée Esteren, la note était salée. Bref, sans ressources régulières, le financement de l'aventure pouvait très vite se corser.


Renouveler l'exploit

Les résultats en 2013 étaient excellents. Notre éditeur affichait un chiffre d'affaire annuel d'environ 200.000 euros. Quand même ! Quand on sait que cette richesse était générée par une seule et unique gamme de jeu de rôle, de création française de surcroît, nous pouvions être contents ! Mais la réalité était là : le bilan financier était positif mais assez juste au final. Les coûts de production, de la tournée et du paiement de l'équipe pesaient leur poids !

Moralement, j'avoue que ce constat fut assez dur à encaisser : avec de tels succès en 2013, je pensais que nous allions pouvoir embaucher dès le premier trimestre 2014 : niet ! En l'état, ce n'était pas possible. Pas assez de visibilité. Il fallait pour cela s'assurer de faire un score au moins aussi bon en 2014 qu'en 2013 (?!). Comment faire ? Pendant un moment, je me suis senti découragé.

Bien sûr, avec une expérience plus solide comme entrepreneur, nous aurions pu anticiper cette réalité. À notre décharge, je pense qu'en 2010, il était très difficile d’anticiper notre trajectoire, en particulier le succès des campagnes de financement participatif. Nous avons passé 2012 et 2013 à nous adapter sur le tas aux mutations qui s'imposaient à nous, mois après mois.

Ce n'est qu'au début 2014 que nous avons commencé à digérer cette transformation du projet et intégrer ces nouvelles données dans notre réflexion éditoriale.


Nourrir l'ogre 

Voilà l'état d'esprit en début 2014 : des souvenirs magiques plein la tête, des espoirs fous mais aussi une certaine forme de lucidité, assez amère à certains égards. Surtout, alors même que nous voulions tenter notre chance jusqu’au bout, il était urgent de résoudre l’équation du calendrier éditorial.

Je pensais finir la rétrospective aujourd'hui mais je dois m’arrêter là pour l'instant. La prochaine fois, je vous présenterai la solution éditoriale que nous avons imaginée (nom de code : la quadrature du cercle) et je reviendrai sur l'aventure du Monastère de Tuath  sur Kickstarter.

Allez, à la prochaine !


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Voir aussi :
Partie 1 (2010-2011)
Partie 2 (2012) 
Partie 3 (2013)
Partie 5 (suite et fin)

Esteren Tour : rendez-vous ce week-end à Paris pour le Salon Fantastique !

Nouvelle date du Esteren Tour en vue : le Salon Fantastique à Paris, porte de Champerret. Nous vous donnons rendez-vous à partir de vendredi, 11 heures.

Plus d'informations : http://www.salon-fantastique.com/

Geek + Gastronomie = Gastronogeek !

Thibaud, l'un des deux auteurs du livre Gastronogeek, nous a fait le plaisir de nous offrir un exemplaire de son livre...!

Vous connaissez ?

En gros, Gastronogeek est un livre de cuisine avec des recettes inspirées des univers imaginaires, de films mythiques.. À quand le steack de Boernac ! Et en plus le livre est magnifique ! Si nos infos sont bonnes, il sera présent au Salon Fantastique où nous allons également ce week-end.

Plus d'infos sur le site web : http://www.gastronogeek.com/

Et vous pouvez même le commander ici : http://livre.fnac.com/a7394985/Thibaud-Villanova-Gastronogeek

La Rose Noire arrive en magasin le 31 octobre !

Et voilà, le premier jeu de société dans l'univers des Ombres arrive dans les bacs la semaine prochaine... Un IMMENSE merci à toutes nos grenouilles (elles se reconnaîtront :p) qui se sont mobilisées pendant le dernier Kickstarter ! Si ça peut exister, c'est grâce à VOUS !
Un crime a été commis au monastère et certains tentent d’étouffer la vérité ! Le Recteur, mystérieux et manipulateur, trame, et c'est à lui que les Investigateurs devront se mesurer. Les Investigateurs devront interroger les Suspects et user de leurs cartes Action tout en manoeuvrant contre les pièges et les manigances du Recteur. À la fin de chaque journée, ils se rassemblent et essayent de percer plusieurs mystères : lequel d’entre eux joue double-jeu ? Qui sont les coupables parmi les Suspects ? Si l'enquête dure trop longtemps ou si les enquêteurs font confiance à la mauvaise personne, les criminels arriveront à leur fin. Pour espérer résoudre l’affaire de la Rose Noire, les Investigateurs devront se montrer stratèges et intuitifs !

La Rose Noire est le premier jeu de société dans l'univers des Ombres d'Esteren, un monde gothique de mystère et d'horreur, plusieurs fois primé aux États-Unis. Ce jeu de cartes, qui met l'accent sur la déduction et l’interaction entre les joueurs, est la contrepartie du scénario Mots Vengeurs écrit par Nelyhann. Il n'est pas nécessaire de connaître les Ombres d'Esteren ou Mots Vengeurs pour jouer à la Rose Noire.

L’édition limitée de la Rose Noire bénéficie d’une boîte spéciale, de 4 feuilles de Profil additionnelles et d’une carte numérotée.

  • Joueurs : 3 à 5.
  • Age : à partir de 15 ans.
  • Durée : 10-30 min.

Contenu : 1 plateau Cimetière, 12 cartes Recteur, 7 cartes Suspects, 40 cartes Indices, 4 cartes Rôles, 4 feuilles de Profil, 4 jetons Joueurs, 1 jeton Premier Joueur, 1 livret de règles.


Prix : 24,90 € TTC 

Page facebook / Précommande pour les pros

Maquette de l'épisode 3 de Dearg bouclée !

La maquette de l'ensemble du troisième épisode de Dearg est posée... nous entrons dans la dernière étape avant l'impression : la relecture sur maquette et les ultimes corrections. Pfiou nous y sommes presque !

Ci-dessous, l'extrait de la maquette d'un des chapitres rajoutés suite aux retours des testeurs et de la communauté :


Avec un peu de chance, tout début novembre le PDF final devrait être bouclé et envoyé aux souscripteurs. Puis en route vers l'impression avec un Dearg EP3 bien parti pour arrivera vant la fin de l'année. On croise les doigts !

Ensuite, en route vers l'épisode 4...!


La préparation en amont de la création d'un supplément

Ces temps-ci mon travail consiste essentiellement en préparation du futur, sous la forme de "thema", ouvrages thématiques de 60 à 120 pages. Je me trouve très en amont des sorties et ébauche des suppléments qui ne verront peut-être jamais le jour, la décision de passer en phase de "réalisation effective" ayant lieu une fois que les "Idées" sont bien posées.





Idées, l'évolution dans les ombres... 


Des thèmes intéressants, il n'en manque pas pour Esteren, mais il faut idéalement qu'ils répondent à plusieurs conditions : je tiens à avoir suffisamment de matière avant le début de la rédaction ; dans le cas de scénario, il me paraît essentiel de déjà disposer d'un squelette bien détaillé ; si possible, pouvoir y placer des figures de mécène (la promesse de publier les figures a été faite, elle doit être tenue !) ; avoir un plan d'ouvrage qui fonctionne bien.


Comme déjà dit, mon travail a lieu essentiellement dans l'ombre et très en amont :

  • Thema Occultisme : il m'a occupée en août - automne 2012 pour la rédaction brute et les premières relectures de fond
  • "Ghost stories" : même période en 2013, et début 2014 pour les finitions des textes
  • ... Et aujourd'hui, je suis en réflexion / développement sur plusieurs autres, dont trois sont plus avancés. A l'occasion je ferai sans doute un point sur la tambouille de création, comment, pourquoi, quels choix... 

Je "profite" de ce temps de relatif calme pour moi pour peaufiner les ébauches, et pouvoir gagner un maximum de temps lorsque j'entrerai dans la phase suivante : le rédactionnel "pur".

Textes, la pression de la deadline


Rédiger les textes "bruts" n'est pas une mince affaire. Quand la décision est finalement prise de sortir un livre, il est nécessaire de boucler cette phase au mieux et au plus tôt, car elle conditionne :
  • les commandes d'illustration 
  • les traductions 

Étant en début de chaîne, tout retard impacte sur la suite et met les illustrateurs, les traducteurs et la maquettiste sous pression pour rattraper le temps perdu, sachant qu'eux-mêmes peuvent connaître des pépins à leur niveau...


Le résultat : des journées entières à ne faire qu'écrire... Pour me faire une idée, j'ai mesuré mon rythme : 2000 signes par heure pour un texte problématique, 5000 signes par heure quand je sais précisément où je vais. (On voit ici l'importance de la préparation en amont : le rythme de rédaction peut-être doublé)


Le problème, ce n'est pas tant le rythme horaire de pointe, que le fait de tenir sur la longueur. 

  • Une page sans illustration (une figure par exemple) : environ 5000 signes, donc 1h de travail
  • Une double page de bestiaire, dans les 8000 signes, donc pas loin de 2h de travail intense
  • Grosso modo, le mieux qui puisse être fait, est 1 page de livre par heure

La fatigue est préjudiciable : il est impossible de rester au maximum de son rythme et concentration en permanence. J'ai calculé pour l'instant que mon record était de l'ordre de 31 000 signes sur une journée... en ressortant rincée. Lorsque je suis en phase rédactionnelle, c'est du 7j / 7 et je ne m'autorise pas de faire moins de 2 pages par jour. Ce rythme de forçat, et le travail en amont, expliquent comment il a été possible de rédiger le contenu additionnel de "Voyages" en l'espace d'à peine un mois et demi (pas loin d'une centaine de pages juste pour moi en fait).


Mais il y a un ennemi mortel, pire que la fatigue : l'interruption. Être coupé dans son élan, en pleine concentration, par un coup de téléphone, une tâche urgente (ou pas du tout, mais qui se présente quand même), casse le rythme. A ce moment là, la fatigue du travail accumulé se révèle pleinement et reprendre le chantier d'écriture devient très difficile. Pire que l'interruption unique : les multiples interruptions bien sûr.


Pour finir, une fois qu'on a enfin terminé arrivent les relectures de fond : on est parvenu à un degré d'épuisement sérieux, et il faut trouver un moyen, dans un délai aussi court que possible, de regagner ses forces, et de parvenir à prendre assez de distance avec le travail accompli pour accepter les retours des relecteurs de fond (dont le tact n'est pas toujours la vertu première !). 


Arrive la phase de reprise : réécriture de passages problématiques, insertion d'encarts, développements, ... Pour Voyage elle a pris près de deux mois d'aller-retours constants sur les textes ; pour Ghost stories, il me semble que ce n'était qu'un mois et demi. Le volume du texte n'est pas directement corrélé avec le temps requis pour sa reprise. Pour Occultisme... lors de la reprise j'ai rédigé quelque chose comme 40 pages de plus et ai fait relire le tout, repris... ce qui a ajouté dans les 3 mois de travail. Actuellement on arrive au bout, avec dernière relecture de fond du Coordinateur, avec là aussi des reprises de textes, heureusement pour l'instant pas trop importantes.


En définitive, le travail de reprise du texte est souvent aussi long que sa rédaction initiale !


(C'est assez démoralisant au début, après on se fait une raison et on prévoit un temps plus large pour l'écriture, afin d'inclure les reprises dans l'estimation de la date de fin).


Développement


C'est là que ça devient inconfortable pour tout le monde... sauf pour moi ! Les illustrations, les relectures de forme, la maquette, la relecture maquette... Tous ces posts sont assez stressants car lorsqu'on en est là, le livre est généralement annoncé, une souscription & une date de sortie commencent à être sérieusement en vue. 


... mais comme j'ai déjà eu le gros de ma phase de travail, la plus éprouvante surtout (relectures de fond), la suite, même en devant assurer un bon rythme de l'ensemble en apportant un soutien de coordination, est un véritable plaisir. 


Surtout... je peux de nouveau me plonger dans les "Idées" des ouvrages suivants, phase qui est pour moi de loin la plus agréable. 


... en fait, quand un livre sort, ça me fait bien sûr plaisir, mais je suis depuis un bon moment déjà sur d'autres chantiers ... dont tout le monde ignore l'existence... car ils errent... dans la nuit des rêves... 


Bouh !

Construire et publier une gamme de JDR (2013)

Troisième partie de ma rétrospective sur le parcours des Ombres. Vous pouvez retrouver ici la première partie et ici celle retraçant l'année 2012.

Nous voilà en 2013... Après une année sans publication en France, on pourrait s'interroger : pourquoi le Titanic n'a-t-il toujours pas coulé ? C'était sans compter sur Kickstarter !

Crowdfunding : devenir entrepreneur ou mourir 

Kickstarter ouvrait la potentialité d'une professionnalisation de notre aventure. Ce thème commençait à devenir une obsession pour moi alors même que l'ensemble de l'équipe continuait à se démener... Combien de temps allions-nous pouvoir tenir encore à travailler le soir, le week-end ? Même s’il s’agissait d’un sujet crucial, cette préoccupation ne faisait qu'effleurer le sentiment d'exaltation d'alors : les premiers succès aux US étaient retentissants et nous étions sur un petit nuage !

Très vite, je me rendais compte que ces succès s'accompagnaient  de lourdes contreparties : préparer quelques centaines de colis a l’avantage de rendre très concrète cette réalité. Au début 2013, le constat était donc le suivant : la masse de travail au niveau éditorial s'était envolé en quelques mois. Questions logistiques, suivi de fabrication, gestion de trésorerie, sollicitations email... Notre éditeur, en la personne de Valentin, a toujours participé à l'aventure à côté de son métier dans le cinéma. Il est rapidement devenu évident qu’il lui était impossible d'absorber complètement cette nouvelle quantité de travail. Je me suis donc positionné sur ces tâches. Son pragmatisme  alliés à ma détermination nous ont permis de  survivre à cette mutation brutale de l'activité.

Il faudra que je revienne sur cette expérience du crowdfunding et ce qu'elle implique - surtout en cas de succès. Les porteurs de projets doivent garder en tête qu’en se lançant dans une telle aventure, ils ne sont pas simplement concepteurs ou créateurs mais doivent devenir des entrepreneurs efficaces.

Le mythe du Titanic revenait à la charge : nous avions l'impression de nous être lancés en pleine mer, traversant des eaux hérissées de récifs, apercevant au loin d'autres navires couler à pic, alors qu'un mauvais choix les avait précipités vers une fin funeste (comme ce projet lancé quelques mois avant le livre 1 sur KS - gloups). Cela n'aura échappé à personne : un certain nombre de projets de financement participatif n'aboutissent pas.

Maintenir le cap

Au fil des mois, une équation complexe était en train de se mettre en place : l'activité se développait fortement (avec une masse de travail à l'avenant) sans que la structure puisse grandir (embaucher pour se consacrer davantage au projet et absorber le boulot). En clair, la pression est brutalement montée. Il y a une différence certaine entre mener un projet associatif dans son coin et devoir gérer des ventes engendrant des dizaines de milliers de dollars et impliquant des centaines de backers soucieux de recevoir leurs contreparties. Gérer tout cela en parallèle d'un autre métier peut rapidement devenir épuisant (euphémisme).

Cependant, j'ai proposé à mon équipage de maintenir le cap. Nous avions tellement travaillé et il nous semblait que nous pouvions toucher notre rêve du doigt. Il fallait tenir bon ! C'est ainsi qu'en mars 2013, nous avons lancé une nouvelle campagne de crowfunding, en France cette fois-ci : le Livre 3 Dearg.

L'aventure du Livre 3 Dearg

2012 n'avait vu aucune publication mais nous n'avions pas chaumé. La grande campagne pour les Ombres avançait alors même que d'autres livres avaient été mis en chantier (dont un certain théma autour de l'occultisme que vous retrouverez bientôt..). La majorité des textes pour Dearg étant écrite, il m'a alors semblé réaliste d'annoncer une date de sortie pour décembre 2013, soit huit mois plus tard. Nous laisserait largement le temps de boucler et livrer l'ouvrage, me disais-je. Je l'ignorais alors mais je venais de faire une grosse erreur de pronostic (euphémisme-bis).

Lorsque nous avons lancé notre crowdfunding sur Ulule pour le Livre 3 Dearg, nous ne savions pas à quoi nous attendre : le financement participatif restait peu connu en France et le record de financement était alors détenu par Les Ludopathes pour la traduction d'Ars Magica, une grosse licence US : fin 2012, ils ont récolté un peu plus de 25.000 euros de financement au final.

Faire autant aurait déjà été une grande réussite, d'autant que nous proposions le financement d'une campagne et non pas d'une licence ou d'un livre de base. Nouvelle erreur puisque nous allions finalement réunir plus de 60.000 euros et déclencher la production d'un projet qui me semblait utopique (même moi je n'y croyais pas, c'est dire !) : un enregistrement symphonique pour la bande originale de Dearg avec l'Orchestre de la Radio de Hongrie, sous la direction d'un chef français ! Cerise sur le gâteau, le succès fut si retentissant que nous avons pu financer un concert classique de l’album en question. Grande première pour le jeu de rôle et moment inoubliable au Grand Temple de Lyon ! Un événement magique qui rassembla plus de 500 personnes et dont nous nous souviendrons longtemps !

La consécration 

Après ce nouveau succès (qui surpassait les scores du Book 1 et Book 0 aux US !), les mois défilèrent. Finaliser Dearg, duquel je suis l'auteur principal, se révéla plus compliqué que prévu. Les playtests et retours nourris de la communauté donnèrent une nouvelle ampleur au travail nécessaire pour finir certains aspects du livre. L'été arriva et ce fut le moment de lancer une nouvelle campagne sur Kickstarter pour le Book 2 Travels. À la demande de la communauté, le livre fut également proposé sur la plateforme Ulule, au même moment, en français. Tout cela dans un contexte où le Esteren Tour battait son plein avec plusieurs dates à l'étranger et où le livre de base des Ombres était nominé trois fois aux prestigieux ENnies Awards, la récompense ultime décernée aux jeux de rôles à Indianapolis. Autant dire que ces mois furent une période d'effervescence mais toujours dans un contexte semi-pro : toujours après le boulot, le soir...

Le succès du Book 2 Travels dépassa toutes nos espérances. Son résultat enfonça ceux des Book 0 et Book 1 en faisant même plus que les deux premières campagnes cumulées ( !!!).  130.000 dollars pour un supplément, c’était le choc. Encore aujourd'hui, Travels est dans le top 50 des projets estampillés "JDR" sur la plateforme Kickstarter. Sans compter que la campagne Ulule fut également un succès, ce qui permit de financer une réédition de ce livre depuis un moment épuisé. Dans la foulée, nous retournions aux US pour la GenCon et ce fut la consécration : Esteren remporta trois Ennies dont deux en or et un en argent dans les catégories Best Art, Production Value et Product of the Year. C'était la première fois pour un JDR français ; nous nagions dans une sorte de rêve éveillé. La cérémonie des Ennies, à laquelle nous avons participé reste un souvenir magique. Voir mon compère de toujours, Gawain, qui illustre pour la gamme sans relâche depuis 2006, monter sur les marches… ce fut un moment très fort. Autant pour Valentin, qui nous accompagne depuis tout ce temps ou Clovis, qui a produit un travail de traduction remarquable.

Vous étiez prévenus 

Auréolés de ces nouveaux succès, nous sommes rentrés en France pour très vite nous rendre compte d'une réalité : le Livre 3 Dearg ne serait pas prêt comme prévu pour décembre 2013. Le projet était bien avancé mais le travail qui restait à faire était massif, surtout en ajoutant la production de certains bonus financés pendant la campagne de souscription et qui s'étaient ajoutés au contenu de base de Dearg.

Quelque part, j’aurais pu l’anticiper. Mais c'est souvent en se confrontant soi-même aux difficultés que l'on en prend la pleine mesure. Si cet écart ne remettait pas en cause le projet, les conséquences demeuraient difficiles à mesurer. Cela nous montrait aussi toute la complexité du projet que nous voulions pérenniser : un succès isolé était une bonne chose ; le répéter était une autre paire de manches.

Et la suite ?

L'année 2013 allait se finir et les publications avaient repris en France : le Kit du meneur au printemps (qui offrait un nouvel écran) et les épisodes 1 et 2 de la campagne Dearg. Quand je regarde en arrière, avec une année si mouvementée et le contexte de réalisation des livres toujours aussi artisanal, c'était déjà pas mal ! Bien sûr, on aurait espéré faire mieux et livrer Dearg dans les temps. Cette mésaventure allait lancer une réflexion de fond dans l'équipe et même modifier notre façon de travailler.

Il était déjà temps de penser à l'année suivante. Le projet de professionnalisation se précisait et 2014 pouvait être une année charnière. Nous étions épuisés mais plus motivés que jamais !

Esteren Tour : Rendez-vous aujourd'hui à Istres !

C'est aujourd'hui et vous pourrez y rencontrer Asami et Gawain en dédicace toute la journée !


Construire et publier une gamme de JDR (2012)

Voici la seconde partie de mon article consacré à l’élaboration de la gamme des Ombres d’Esteren. Je poursuis ma rétrospective avec l’année 2012… en janvier de cette année, la gamme comportait quatre publications : le Livre 0 – Prologue, le Livre 1 - Univers, le Livre 2 – Voyages et son écran ainsi que le Monastère de Tuath accompagné de l’album de Delphine d’Hommes et d’Obscurités.
Image : George Smyth

Le tour de force

De mon point de vue, sortir quatre livres en deux ans fut un tour de force. Lorsque je regarde en arrière, je suis fier de toute cette équipe qui s’est démenée pour en arriver là. Cette fierté ne vient pas forcément des livres en eux-mêmes (les créatifs sont généralement sans pitié avec leur création), mais plutôt du contexte dans lequel ils ont été produits : généralement le soir, après le travail, ou très tôt le matin. Ou même la nuit. Bref, à côté de tout le reste, années après années.

Pour la majorité de nos lecteurs, le début du projet est associé à la sortie du Livre 1 – Univers en septembre 2010. En fait, le projet a été initié en 2006 au sein de l’association Forgesonges et pour moi, ainsi que pour quelques autres, cela correspondait déjà à six années passées à naviguer dans cet univers. Dans ce contexte, notre équipe a vu le départ de certains de ses membres : changement dans la vie personnelle ou professionnelle, évolution dans les aspirations créatives. Après plusieurs années de bons et loyaux services, peut-on le leur reprocher ? J’ai moi-même pensé à arrêter plusieurs fois. En ce début d’année 2012, la réalité s’est imposée à nous (violons) : malgré le succès remarquable des livres en boutiques, l’espoir de vivre de notre travail s’était définitivement évanoui.

Il est impossible de vivre du jeu de rôle en France

C’est le constat que nous avons fait. À vrai dire, ce n’était pas vraiment un problème ni une surprise. Bien sûr, personne ne s’est lancé dans ce projet avec comme ambition principale de se professionnaliser et de vivre pleinement de sa création. Esteren est né d’une volonté associative. Mais au fond, on y croyait. Lorsque cela fait six années que vous consacrez une bonne partie de votre temps libre à créer des livres, des questions se posent. Question de priorité, de disponibilité, etc. Bien sûr, les droits d’auteur apportent un peu de beurre dans les épinards... mais ramené au temps passé et au nombre d’intervenants, les sommes sont anecdotiques. Et surtout très loin du smic. L’argent récolté a principalement été utilisé pour financer les livres et assumer les coûts de la tournée Esteren, le fameux Esteren Tour.

Live and let die

Je vous sens ému à la lecture de ce constat. Séchez vos larmes ! Depuis toutes ces années, nous passons des moments extraordinaires. En premier lieu, voir aboutir un projet que l’on porte depuis des années est toujours quelque chose d’indescriptible. Une autre pierre angulaire est la tournée initiée en 2010 et qui continue aujourd’hui, avec plus de 140 dates au compteur. Des week-ends en convention à dédicacer, refaire le monde (et continuer à rêver de vivre de notre boulot – on ne se refait pas)… En 2009, j’ai rencontré au Monde du jeu un jeune illustrateur : quelques années plus tard, j’étais témoin à son mariage. Car Esteren est devenu une famille, un groupe de potes, incluant même quelques membres de la communauté. Des moments magiques… Tout cela s’est incarné au travers du Esteren Tour. Avec le recul, je pense que cette tournée a cimenté notre groupe et nous a motivé à continuer. Voir les étoiles dans les yeux des gens, faire des démos jusqu’à ne plus avoir de voix, passer nos week-ends à sillonner la France… tout cela restera dans nos mémoires. Voyager et rencontrer le public est devenu une récompense en soi.

La jachère

Finalement, le bilan était plutôt positif : on n’en vivait pas mais on s’éclatait ! Mais un nouveau problème émergea rapidement : nous n’avions plus rien à sortir dans l’immédiat. Le Livre des Secrets, toujours en travaux, promettait une gestation encore plus lente que celle du livre de base. Même combat pour la campagne Dearg : certains se souviennent de mes démos avant même la sortie du Livre 1 en 2010 et impliquant des corbeaux… le scénario en question devrait paraître en 2015. Les quatre premières publications de la gamme s’appuyaient sur des contenus plus ou moins entamés au fil des six premières années de vie du projet. Et nous arrivions au bout de ces réserves.

Clairement, ça commençait à sentir le sapin. Sans nouvelle publication, les revenus de l’éditeur allait s’amenuiser et il deviendrait difficile de continuer à financer la suite des opérations, Esteren Tour y compris.

L’espoir qui venait d’Allemagne

J’avais déjà le sentiment que notre aventure était périlleuse mais en rédigeant cette rétrospective, je me rends compte à quel point notre parcours a été semé d’embûches et de rebondissements parfois imprévisibles. L’un des tournants majeurs de l’aventure Esteren a eu lieu le 28 mars 2012 lorsque j’ai reçu cet email de mon correspondant allemand Ingo (punaise, je vous ai même retrouvé cet email sans doute mythique dans l’histoire de la gamme) :
Vous voyez où je veux en venir ? En fait, il se trouvait que mes rêves de grandeurs m’avaient poussé, dès 2009, à initier la traduction du Livre 1 – Univers, alors même qu’il n’était pas sorti en français. Pour la petite histoire, je faisais beaucoup de playtest à l’époque et j’ai rencontré à cette occasion Clovis, l'un des nombreux playtesteurs d'alors. Nous avons sympathisé : il m’a expliqué faire des études d’anglais. J’ai sauté sur l’occasion et je lui ai proposé directement de traduire notre livre (pas encore sorti) : soit je me suis montré très convaincant, soit Clovis était en fait aussi fou que moi. Et 3 ans plus tard, j’ai cet email de mon correspondant : en parallèle, le travail de traduction du Livre 1 touchait à sa fin. Nous n’avions aucune idée de la manière dont nous allions nous y prendre pour le distribuer, etc. Mais cela faisait deux ans que Clovis travaillait sur la traduction de l’intégralité de l’ouvrage et un an de plus qu’il supervisait les relectures assurées par des volontaires anglophones.

Suite à l’email d’Ingo, j’ai très rapidement senti le potentiel de Kickstarter et nous nous sommes lancés en juin ou juillet de la même année, en demandant 3000 dollars. Histoire de nous aider à produire un petit tirage. Et là, un mois plus tard, bing, 55.000 dollars. En un seul mois, pratiquement deux fois plus que les ventes du Livre 1 Univers sur une année en France. Et ça s’est enchaîné : un mois plus tard, nous étions à la GenCon d’Indianapolis pour une date incroyable. Être là-bas, dans le temple du jeu de rôle, était juste irréel : deux mois plus tôt, nous étions plutôt inquiets alors que la prochaine sortie en France semblait repoussée aux calendes estereniennes et que nos attentes vis-à-vis du Kickstarter étaient tout de même très limitées… quatre mois plus tard, après avoir livré les souscripteurs, on remettait le couvert avec le Book 0 – Prologue : re-bing, 65.000 dollars. Plus que le livre de base pour un bouquin de 80 pages, par ailleurs en téléchargement gratuit.

Nous étions en décembre, encore sonné par le succès de la version américaine mais sans aucune sortie en France. Année étrange et qui changeait toutes nos perspectives. Car très rapidement, notre vieux rêve reprenait de la vigueur : vivre du jeu de rôle en France était finalement peut-être possible ?

Qu’allait nous réserver 2013 ?

La suite au prochain épisode !

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Voir aussi :
Partie 1 (2010-2011)
Partie 3 (2013)
Partie 4 (2014)
Partie 5 (suite et fin)