La préparation des contenus des ouvrages, en particulier du placement des mécènes (des souscripteurs de haut rang avec qui nous travaillons sur un personnage), se fait en plusieurs étapes. Il s'agit dans un premier temps de faire le point avec le mécène sur ses vœux, puis de trouver la meilleure manière de placer la figure dans un ouvrage. Ensuite, j'essaie de tisser des liens, plus ou moins appuyés, des clins d’œil d'un livre à l'autre.
Voici une illustration de ce cheminement avec Caemgen de Fionnfuar, un vecteur qui s'est aventuré jusque dans les terres de Dèas pour y prêcher la bonne parole. Trouver sa place dans une société clanique aussi rude n'est pas évident et nécessite de sa part un grand sens politique et des relations humaines plus généralement. Son optimisme, sa persévérance et son habileté lui ont permis de devenir un médiateur reconnu et apprécié pour sa neutralité - du moins en ce qu'il ne défend les intérêts d'aucun clan en particulier.
J'avais envisagé de le faire paraître brièvement dans le bestiaire en tant qu'auteur d'une lettre reçue par l'un des narrateurs principaux que je mets en scène. Ainsi on aurait un premier contact avec la figure avant de la voir véritablement à l’œuvre.
Un vecteur en voyage
Une lettre venant des terres de Dèas
Lettre du vecteur Caemgen de Fionnfuar, affecté aux Terres de Dèas
Chère Annëth,
J’ai bien reçu ta gentille lettre demandant de mes nouvelles. Comme tu
peux le constater, les Osags des Terres de Dèas n’ont pas jugé bon de me
renvoyer en Gwidre. Pourtant, ce ne fut pas évident de gagner leur
confiance ! Tout n’est assurément pas simple ici et les rapports de
force sont monnaie courante. J’ai rencontré des gens extraordinaires et
une culture très riche. J’espère pouvoir accomplir ma mission au mieux.
En attendant, connaissant ta grande curiosité pour les légendes, je
pense avoir trouvé une histoire qui pourrait te plaire. Elle concerne le
peuple tarish. Comme tu le sais, il est réputé avoir accosté il y a
environ mille ans à la pointe de Hòb. Depuis, leurs descendants ne
cessent d’errer dans la péninsule de Tri-Kazel comme s’ils cherchaient
(ou fuyaient ?) quelque chose.
Le hasard a voulu que j’apprenne une information étonnante à ce propos
d’une source que j’estime fiable. L’homme est un pilote d’Iolach, un
marin remarquable et audacieux. Il est sans doute l’un des meilleurs
connaisseurs des récifs et des îlots de l’extrême sud-ouest. Son travail
est de monter à bord des navires voulant franchir le cap, pour les
aider à le passer en sûreté. De mauvaises langues prétendent que son
talent lui viendrait d’une rencontre avec « Dame Crocs de mouette », la
dréine-croquemitaine des environs. On dit d’elle qu’elle hante les
profondeurs et cause des naufrages, mais aussi qu’elle épargne certains
élus.
D’après ce pilote, le site du naufrage des Tarishs est un îlot des
Épavières. On y trouverait suffisamment de ressources pour survivre :
coquillages, œufs d’oiseaux de mer, étangs d’eau douce remplis par la
pluie, phoques sur l’une des petites plages… Bien sûr, il ne reste rien
des navires en surface : depuis un millénaire, les coques et les mats se
sont désagrégés. En revanche, on trouverait des traces dans le sable
humide. Je lui ai demandé s’il était certain que ces vestiges n’étaient
pas tout simplement le fait de naufrages tri-kazéliens. Il m’a alors
expliqué qu’il y a un cimetière sur cette île. Le nombre de tombes
encore discernable était considérable. Pour qu’il y en ait autant, il
aurait fallu que des dizaines de personnes vinssent y inhumer leurs
proches pendant une longue période. Comme ces tombes ne sont pas d’un
style osag, il a pensé qu’il s’agissait peut-être de l’île par laquelle
les Tarishs étaient arrivés. Ils y seraient revenus déposer leurs morts.
Mais cette pratique aurait cessé quand Dame Crocs de mouette est
apparue. On m’a dit que la dréine nourrissait une haine toute
particulière à l’égard des Tarishs, même si l’on ignore pourquoi. Les
récits décrivant sa sauvagerie envers ces malheureux font état de
naufrages sanglants et de corps s’échouant par morceaux sur les plages.
J’ignore si cet aspect de l’histoire est véridique : personne n’a pu me
parler d’un exemple précis où une attaque aurait eu lieu contre des
Tarishs. Malgré cela, ces voyageurs sont interdits de bord sur les
navires qui croisent le cap des Adieux.
D’où provient cette inimitié particulière d’un monstre pour un peuple
qui est certes marginal, mais n’a, à ma connaissance, pas grand-chose à
se reprocher ? J’ai bien entendu des histoires à Ard-Amrach et à
Expiation, selon lesquelles les Tarishs seraient souvent sorciers,
lançant des malédictions à qui leur déplairait, mais j’ai tendance à
penser qu’il ne s’agit là que de racontars, exprimant avant tout la peur
de l’autre. Tu n’imaginerais pas le nombre d’histoires effrayantes
qu’on m’a contées sur les Osags avant mon affectation : bien peu sont
vraies.
À l’avenir, je te promets de t’écrire plus régulièrement. Mieux même :
pour compenser le délai que j’ai mis à te répondre, je t’écrirai avant
de rédiger les rapports que l’ordre me demande. Ainsi tu auras
l’assurance d’avoir des nouvelles fraîches des venteuses Terres de Dèas,
Bien à toi,
Caemgen
Nous sommes fiers de vous annoncer un partenariat avec un
grand joaillier qui va produire et distribuer une collection de bijoux signés Esteren. Son nom sera révélé très prochainement.
Les premières parures (ci-dessous) feront l’objet d’une campagne de financement
participatif.
Quelle est votre préférée ?