Écrire la fin d’une histoire - Partie 1
Aujourd'hui, j’aimerais partager avec vous ce sur quoi je suis en train de travailler en ce moment : la fin de la campagne Dearg. Mais commençons par quelques états d’âmes, après tout c’est la partie du blog des Ombres où je peux vous dire ce que j'ai sur le cœur !
États d’âmes
Nous sommes en février 2015 et le travail sur le Livre 3 - Dearg continue. Son financement a été acquis grâce à une
campagne Ulule… et nous sommes en retard sur la livraison ! Plus précisément, je suis en retard. Car je suis l’auteur principal de cette campagne et je n’ai pas encore fini mes textes. Oh, nulle justification ici : je me suis complètement fourvoyé dans la date de rendu de ce livre, point. J’aurais du anticiper la réalité de l’écriture d’un tel livre, dans le contexte qui est le mien. J’ai foiré et je m’en excuse. Mais je ne lâche rien et le travail se poursuit.
La situation est délicate : vis-à-vis de la communauté, vis-à-vis de mon ami et éditeur Valentin, vis-à-vis du reste de l’équipe qui attend patiemment que je finisse cette fu*% ! campagne. J’assume pourtant la situation et j’ai même aggravé mon cas : je me suis rendu compte que j’avais besoin de plus de place (et donc de temps) pour finir correctement mon travail. Certains concepts et principes de narrations, de part leur bizarrerie / innovation (rayez la mention inutile) demandent plus de pédagogie, plus d’exemples.
De ces évolutions est né un cinquième épisode pour Dearg. Initialement prévu pour contenir 250 pages, il est possible que cette campagne dépasse les 350. Notre éditeur a validé ce choix et je n’ai pas reçu trop de messages de reproches : j’ai l’immense chance d’avoir le temps et la liberté d’aller au bout de ma démarche. Pour cela je vous remercie. Vraiment. Se sentir allégé du poids des pures considérations éditoriales et commerciales est un luxe que je sais apprécier.
Les modules
Ce nouvel épisode me permet d’expliciter plus en détail un nouveau type de scénarios pour les Ombres d’Esteren : les modules. Les lecteurs réguliers sont familiarisés avec les canevas (histoires courtes, parties de deux heures), les scénarios classiques (prologue, trois actes, épilogue), les focus (liés aux arc narratifs). Les modules sont un nouveau type de scénario. Ils portent le parti pris de la campagne Dearg qui débute de manière dirigiste pour évoluer vers l’improvisation. Je vous copie-colle un premier morceau ici qui est encore susceptible d'évoluer :
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Modules
Cette aide de jeu vise à présenter au meneur le système des modules et à l’aider à construire la chronologie des événements qui vont aboutir au dénouement de la campagne.
Fin ouverte et implication des joueurs
Les séances de playtest le montrent : lorsque les joueurs sentent que la fin de la campagne n’est pas prévue à l’avance et qu’ils ont une véritable influence sur le déroulement des événements, ils sont plus impliqués dans l’histoire.
Dearg propose d’évoluer depuis une narration structurée et dirigiste (pré-requis des arcs narratifs, focus) vers une fin ouverte et laissant une grande liberté d’interprétation (modules). Dans un premier temps, l’histoire invite les joueurs à se plonger dans le passé des Personnages au travers de focus, dont la trame narrative est parfois connue de tous. Certains événements sont écrits et arriveront, quoi que fassent les joueurs : l’intérêt n’est pas d’en changer le cours mais de les vivre de l’intérieur pour s’en imprégner. Si l’on compare une histoire à un arbre, cette première phase correspond aux racines. Plus elles seront profondes et solides, plus elles permettront au reste de se déployer.
Si on compare la fin de la campagne au début, le parti pris est très différent : nul ne sait ce qu’il va advenir du val de Dearg ou comment vont évoluer les personnages principaux. En fait, personne ne devrait le savoir, y compris le meneur. Le dénouement va émerger pendant le jeu.
Les modules
La dernière partie de la campagne Dearg utilise un nouveau type de scénario : les modules. Les modules sont le développement du système des scènes modulaires utilisé dans la gamme des Ombres d’Esteren. Au lieu d’être à l’échelle d’une simple scène, un module est à l’échelle d’un scénario, d’un canevas ou d’une aide de jeu entière. En agençant ces modules (aides de jeu, focus, canevas, scénarios) entre eux, le meneur va bâtir lui-même la fin de sa campagne. Il pourra choisir de ne pas utiliser certains modules ou en créer de nouveaux à partir des histoires imaginées par ses joueurs. Pour l’aider dans son travail de préparation, chaque module bénéficie d’une fiche technique qui résume son contenu.
Construire la fin de sa campagne
Envisager une fin de campagne ouverte demande de la préparation au meneur. Voici quelques recommandations avant de se lancer :
1. Il est nécessaire que le meneur lise au moins une fois l’intégralité des modules afin de s’en faire une idée et pouvoir les utiliser au bon moment lors des sessions de jeu ultérieures.
2. Impliquer ses joueurs et leurs Personnages dans l’histoire est la clef d’une fin de campagne réussie. Le but du meneur est de mettre ses PJ au cœur de l’intrigue afin de laisser l’opportunité à des moments intenses d’émerger. Si l’histoire ne concerne pas les Personnages ou que ces derniers ne peuvent pas avoir d’emprise sur elle, les joueurs risquent de s’ennuyer. Pour éviter cet écueil, le meneur devrait passer en revue les arcs narratifs et les buts personnels de chaque Personnage. Cela l’aidera à faire un premier choix parmi les modules. Si un Personnage possède un arc narratif personnalisé ou crée au début de la campagne, le meneur devrait prendre le temps de créer ses propres modules.
3. Le meneur devrait s’assurer que chaque Personnage aura son heure de gloire. Si les projecteurs sont toujours braqués sur le même Personnage (et donc le même joueur), cela empêchera peut-être les autres de profiter de la fin de la campagne. Le principe de Dearg est d’arriver au terme d’un arc narratif majeur (celui de l’Amour) mais cela ne devrait pas empêcher les autres Personnages d’être au cœur de l’intrigue. C’est la raison pour laquelle certains modules sont des histoires concernant spécifiquement d’autres arcs narratifs. Chaque joueur devrait bénéficier du sien afin d’avoir le loisir de développer son Personnage et son orientation pour la fin de la campagne.
De l’improvisation
Le système des modules oriente le meneur vers l’improvisation. Les modules sont autant de possibilités qu’il pourra utiliser – ou pas – au fil de l’évolution de l’histoire et de son dénouement. C’est la raison pour laquelle le meneur devrait lire et s’imprégner de chaque module : plus il aura une maîtrise aboutie des enjeux et des interactions, plus il aura la capacité d’improviser le moment venu. Les fiches techniques pour chaque module (à télécharger à partir de www.esteren.org) peuvent aider le meneur qui souhaite improviser : chaque fiche résume les enjeux principaux de chaque module. Le meneur peut aussi se construire ses propres fiches avec des notes qui l’aideront à naviguer dans la fin de l’histoire selon les réactions et les choix des PJ.
Des bénéfices d’une chronologie préétablie
Improviser n’est pas une obligation pour jouer la fin de la campagne Dearg. Certains meneurs préfèrent préparer une chronologie des événements à l’avance. Il n’y a pas une meilleure manière de faire qu’une autre : le plus important reste que le meneur et ses joueurs s’amusent.
Chaque meneur va pouvoir se situer quelque part entre deux pôles : improvisation complète et chronologie préétablie. Selon son style, chaque meneur sera plutôt tenté par un mode de jeu ou l’autre. L’objectif est de trouver le bon équilibre entre les deux.
- Improvisation complète. En faisant ce choix à l’extrême, le meneur décide de ne rien prévoir à l’avance. Chaque module représente la pièce d’un puzzle qui se mettra en place au fur et à mesure des parties, dans un ordre qui n’aura pas été défini à l’avance. L’improvisation peut également aboutir à mélanger les modules entre eux, selon le rythme ou la mise en scène que le meneur souhaite pour ses parties. Dans ce mode de jeu, le meneur ne sait pas du tout où va aboutir la campagne : il découvre la fin en même temps que ses joueurs. La campagne Dearg donne tous les outils pour se risquer à une telle mise en scène.
- Chronologie intégrale. Un meneur peut souhaiter bâtir une chronologie des événements clefs qui vont – ou risquent – d’arriver. Ce mode de jeu est plus classique et revient à construire la fin de campagne comme un scénario avec son prologue, ses actes et son épilogue. Selon ses choix, le meneur pourra laisser plus ou moins d’inconnus dans son scénario, en particulier pour l’épilogue. Plusieurs raisons peuvent justifier ce choix. Improviser, rebondir à la volée selon les choix des joueurs peut être un exercice périlleux demandant au meneur une certaine aisance. Les meneurs débutants devraient envisager de s’appuyer sur une chronologie des événements, même parcellaire. Cette structure permet d’avoir des points de repères dans le déroulement et évite au meneur le risque de se perdre complètement dans son histoire. Un autre avantage de la chronologie est la possibilité de travailler les effets de mise en scène en amont : rebondissement, suspense, cliffhanger. Improviser de tels effets sur le vif peut être plus complexe et certains meneurs souhaitent mettre l’accent sur la mise en scène : une chronologie travaillée leur conviendra mieux.
Crédits photo : Monika Clarke - maps, cameras and coffee
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