Vous voulez proposer des canevas ou des scénarios - (12) Devenir auteur

5/28/2018 02:32:00 PM Iris 0 Comments

Après déjà plusieurs articles consacrés à la soumission de manuscrits, je vous propose un détour sur le fait de devenir auteur. En soi cette formulation est étrange : on est auteur de ce que l'on crée, peu importe le support ou la diffusion. Vous avez créé une histoire ou une aventure, peu importe combien de personnes la connaissent (ou l'apprécient), vous êtes auteur. Le propos ici sera d'utiliser "auteur" au sens d'une personne qui est rémunérée régulièrement pour ses écrits, et plus précisément dans le cas du JdR.

Une absence de diplôme


A ma connaissance, il n'existe pas de formation pour devenir auteur de JdR. J'ai bien entendu parler de M2 enseignant les techniques d'écriture -- ils peuvent donc être appliqués ici par extension --, mais dans l'ensemble, je pense qu'on peut admettre l'approximation généralisatrice : la seule formation à l'écriture de JdR qui existe est autodidacte, c'est-à-dire "sur le tas".

Par conséquent, chaque auteur à venir redécouvre un peu tout seul le fil à couper le beurre : comment s'organiser dans la journée, dans la semaine, sur la durée, comment faire passer des idées, les structurer, etc. En substance : vous allez nécessairement galérer au début et pendant un bon moment. Il s'agit de persévérer même si ce n'est pas parfait, faire de son mieux sans se décourager, et petit à petit l'aisance viendra.

Une autre activité principale


Le fait que l'on apprenne à écrire en écrivant signifie aussi qu'au moment où l'on commence à écrire, on n'est pas opérationnel. Il manque des réflexes, des notions, des repères pour être à l'aise et savoir comment s'y prendre au mieux. On perd beaucoup de temps à découvrir son rythme d'écriture, ou la manière la plus optimale d'aborder un problème.

Il en découle que tout le monde (je pense) a une activité principale comme source de rémunération au moins au début. Avoir une vie professionnelle prenante à côté (et aussi amoureuse, familiale, associative, etc.) réduit inévitablement le nombre d'heures que vous pouvez consacrer chaque semaine à vos écrits.

Supposons que vous puissiez écrire 5h par semaine, cela représenterait dans les 10K d'écriture, peut-être un peu plus, mais pas énormément. Ajoutez autant de temps ensuite pour intégrer les retours, faire les reprises de texte etc. Il faut bien être conscient que 5h à consacrer chaque semaine, c'est comme faire 1h de jogging chaque jour, qu'il vente, pleuve ou neige. C'est le même type d'engagement.

- Un canevas avec des annexes pèse dans les 30 à 40K, soit 3 à 4 semaines d'écriture avec ce rythme. Si on ajoute le traitement des retours, on peut espérer que ce sera totalement terminé en 2 mois.
- Un module pèse 50 à 100K, soit 5 à 10 semaines d'écriture dans ces conditions. Si on ajoute les retours immédiatement derrière, cela ferait environ 6 mois de votre vie dédié à ce projet.
- Pour une campagne, disons ... 700K ? 70 semaines à ce rythme. Un an et demi juste pour écrire ; soit potentiellement 3 ans de votre vie pour faire aboutir une campagne avec rigueur en ayant une vie bien remplie à côté.

Dans le cas d'un module, il est possible d'écrire "à fond" au début, et ensuite finir plus tranquillement, avec toujours de la rigueur. En revanche, quand il s'agit d'écrire un gros volume, démarrer fort est peut-être utile, mais l'enjeu est surtout de tenir sur la durée.

A moins que vous soyez du genre super tenace, et que vous vous connaissez comme tel, je pense qu'il est plus sûr de commencer par un projet à taille humaine (le module ! le canevas !) pour vous faire la main. Rêver à plus grand, c'est bien, mais commencer trop gros peut aussi faire courir le risque de s'épuiser et se décourager.

... et d'ailleurs rien n'empêche de concevoir une campagne constituée de plusieurs modules : si vous arrivez vraiment au bout de tout ce qui était prévu, ce sera super, et si vous vous épuisez en chemin, vous aurez la satisfaction d'avoir déjà rédigé plusieurs aventures.

Au-delà de la première histoire


Vous avez réussi à créer un module ou une campagne courte, et mieux, elle plait ! A ce moment, vous devriez vous connaître suffisamment pour évaluer ce que vous voulez.

Peut-être que participer une fois à l'aventure de la création d'un module vous aura suffi, et pour la suite, vous n'éprouverez plus la même envie de suer sang et eau pour faire aboutir une oeuvre.

Ou bien vous vous rendrez compte que vous avez encore beaucoup d'idées, que vous n'avez fait qu'effleurer la surface et vous voudrez poursuivre. 

Peut-on en vivre ?


La question se pose avant tout pour ceux qui se rendent compte qu'ils écriront quoi qu'il arrive, parce que c'est quelque chose d'important pour eux, peu importe la forme que cela prenne.

La réponse est "oui, on peut en vivre". Mais il y a des "mais" : vous avez intérêt à être très bien organisés, à avoir des proches qui vous soutiennent (ou un bas de laine ou les deux) pour les périodes de vache maigre. Parvenir à gagner un SMIC en tant qu'auteur, c'est être privilégié par rapport à la masse des auteurs qui reçoivent très peu (et donc concrètement, n'en vivent pas). Si vous avez un métier par ailleurs bien payé ou un crédit à rembourser ou plusieurs enfants, ce n'est sans doute pas le meilleur plan d'avenir. Comme la plupart de ceux qui sont susceptibles de devenir auteurs ont une vie "avant", il est facile de mettre en balance ce qu'on a et qu'on est prêt à perdre, par rapport à ce que l'on rêve d'atteindre. Il y a un avant et un après lorsqu'il s'agit de devenir professionnel.

Le métier, même quand on a des contrats, reste précaire, et chaque année passée à vivre de vos créations est une victoire. Si vous passez un certains seuil de revenu, vous pouvez déposer un dossier auprès des AGESSA pour être reconnu comme auteur du point de vue administratif (sécurité sociale, caisse de retraite, caisse de retraite complémentaire obligatoire). Chaque année, il faudra préciser à nouveau vos gains en droit d'auteur pour avoir le droit de dépendre de ces administrations (bonne nouvelle : les démarches de réactualisation sont infiniment moins pénibles que le premier dossier).

Au-delà même des aspects matériels, faut aussi avoir conscience que les critiques peuvent être virulentes, et que les défis qui vous attendent ne diminuent pas en difficulté : stress des cadences de travail et des deadline, se renouveler malgré tout, travailler en équipe, faire face à des imprévus improbables (mais qui sont tout de même assez réguliers en fait !).

Un des buts du studio Agate


Au sein du studio Agate, nous cherchons à faire en sorte que les collaborateurs puissent vivre de leur travail créatif. C'est un but qui est en perpétuelle construction, nécessitant de se remettre sans cesse en question et de s'adapter, ne pas se laisser décourager, et rester ouvert aux opportunités. Il y a des difficultés, mais aussi de belles rencontres, de nouveaux membres d'équipe qui nous rejoignent plein d'enthousiasme et d'énergie.

... et peut-être qui sait, certains de ces futurs membres lisent ces lignes ?


Star rock - Muriwa - Par Jamie Wang - Nouvelle Zélande



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Pour en savoir plus...


- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 1 - Introduction
- Proposer des canevas
ou des scénarios, partie 2 - Attention aux stéréotypes
- Proposer des canevas
ou des scénarios, partie 3 - Les contraintes et buts d'un scénario du commerce
- Proposer des canevas
ou des scénarios, partie 4 - La relecture de fond
- Proposer des canevas
ou des scénarios, partie 5 - Les petits riens formels qui coincent
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 6 - Persévérance
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 7 - Quoi et dans quel ordre ? 
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 8 - Le chemin de fer 
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 9 - Les genres difficiles 
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 10 - Les évidences qui ne le sont pas  
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 11 - Enquête de vérité 

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