Les vendredis de l'angoisse - Une Raison d'agir - EP 6
Pendant tout l'hiver, quoi de mieux que le feuilleton d'une petite nouvelle horrifique pour animer vos soirées auprès du feu ?Chaque vendredi, à 21 heures, nous vous proposerons un nouvel épisode de la nouvelle "Une Raison d'agir" écrite par Iris, l'une des auteurs des Ombres d'Esteren. Cette nouvelle sera publiée dans un recueil nommé Hantises, à paraître en 2014. Vous retrouverez plus d'informations sur cette future publication ici.
Vous pouvez retrouver les épisodes précédents :
Dans l'épisode précédent ...:
Je gardais la tête basse à examiner les pièces et les bijoux tandis qu’il mangeait et buvait à côté de moi. Il me paraissait immense, cette armure lui donnait l’air d’un géant alors même qu’il se déplaçait presque normalement avec elle.
*
* *
Une Raison d'agir - épisode 6
« Tu as trouvé ce trésor et ton armure au même endroit ?
- En effet.
- Où était-ce ?
- Dans les Mòr Roimh, en Gwidre, près du Pic Ordachaï, dans l’antique cité de Gwaird.
- Gwaird ? Cette ville troglodyte qui se serait coupée du monde durant l’Aergewin en fermant ses portes et où tous seraient morts de faim ?
- Beaucoup périrent du fait de feondas qui jaillirent des profondeurs des mines. La faim n’emporta que ceux qui s’enfermèrent à l’intérieur du dernier bastion.
- Tu y es allé seul ?
- Non.
- Tes compagnons ont donc aussi un trésor comme celui-ci ?
- Non.
- Ils n’ont pas voulu leur part ?
- Ils sont morts. »
Voilà ce qui arrive quand on pose trop de questions : on apprend des vérités qu’on préférerait parfois ignorer. À ce moment je ne voulais pas savoir si Cethern les avait tués pour garder l’intégralité du trésor. J’appréhendais de découvrir comment il connaissait les détails de la chute de Gwaird. Jamais le Cethern que j’avais connu n’aurait pu retrouver une ancienne cité tout seul. Il avait dû s’appuyer sur l’aide d’experts. Cela ne s’improvisait pas. Ils avaient dû longuement explorer la région et les sous-sols. Ils étaient tous morts.
J’étais partagée entre l’effroi et une pensée froide qui continuait d’analyser et de juxtaposer les éléments. Je me tenais près du feu, aux pieds de mon époux qui portait cette armure de l’ancien temps et dînait tout naturellement tandis qu’il pleuvait toujours dehors. Calmement et en silence, je m’efforçais de peser ce qui était en ma faveur et ce qui me desservait. La situation n’était pas bonne.
« Depuis combien de temps sommes-nous mariés ?
- Cela remonte à la fin de l’été dernier, et nous sommes à présent au début du printemps, même s’il tarde à venir en ces régions…
- Presque un an. Et j’ai abandonné ma jolie mariée seule ici…
- Tu voulais restaurer ce château pour que nous puissions y vivre décemment.
- Le temps a dû te paraître bien long à dormir seule. Heureusement que je suis revenu. »
Du coin des yeux je voyais qu’il avait fini de manger. Il avait encore bu du vin et s’était tourné vers moi. Je comprenais plus ou moins qu’il était question de me violer pour son dessert. Pourquoi le voyais-je comme un viol ? De mon point de vue, nous avions un mariage de raison… Mais quand je le voyais dans cette armure qui avait dû être portée jusqu’à la fin de Gwaird par un de ses héros mort dans des circonstances abominables, avec un ton presque métallique d’automate de chair, tout mon être se révulsait. La seule perspective d’un contact intime avec une chose animée aussi roide et rude me donnait une sorte de nausée glacée.
« Tu as trouvé ce trésor et ton armure au même endroit ?
- En effet.
- Où était-ce ?
- Dans les Mòr Roimh, en Gwidre, près du Pic Ordachaï, dans l’antique cité de Gwaird.
- Gwaird ? Cette ville troglodyte qui se serait coupée du monde durant l’Aergewin en fermant ses portes et où tous seraient morts de faim ?
- Beaucoup périrent du fait de feondas qui jaillirent des profondeurs des mines. La faim n’emporta que ceux qui s’enfermèrent à l’intérieur du dernier bastion.
- Tu y es allé seul ?
- Non.
- Tes compagnons ont donc aussi un trésor comme celui-ci ?
- Non.
- Ils n’ont pas voulu leur part ?
- Ils sont morts. »
Voilà ce qui arrive quand on pose trop de questions : on apprend des vérités qu’on préférerait parfois ignorer. À ce moment je ne voulais pas savoir si Cethern les avait tués pour garder l’intégralité du trésor. J’appréhendais de découvrir comment il connaissait les détails de la chute de Gwaird. Jamais le Cethern que j’avais connu n’aurait pu retrouver une ancienne cité tout seul. Il avait dû s’appuyer sur l’aide d’experts. Cela ne s’improvisait pas. Ils avaient dû longuement explorer la région et les sous-sols. Ils étaient tous morts.
J’étais partagée entre l’effroi et une pensée froide qui continuait d’analyser et de juxtaposer les éléments. Je me tenais près du feu, aux pieds de mon époux qui portait cette armure de l’ancien temps et dînait tout naturellement tandis qu’il pleuvait toujours dehors. Calmement et en silence, je m’efforçais de peser ce qui était en ma faveur et ce qui me desservait. La situation n’était pas bonne.
« Depuis combien de temps sommes-nous mariés ?
- Cela remonte à la fin de l’été dernier, et nous sommes à présent au début du printemps, même s’il tarde à venir en ces régions…
- Presque un an. Et j’ai abandonné ma jolie mariée seule ici…
- Tu voulais restaurer ce château pour que nous puissions y vivre décemment.
- Le temps a dû te paraître bien long à dormir seule. Heureusement que je suis revenu. »
Du coin des yeux je voyais qu’il avait fini de manger. Il avait encore bu du vin et s’était tourné vers moi. Je comprenais plus ou moins qu’il était question de me violer pour son dessert. Pourquoi le voyais-je comme un viol ? De mon point de vue, nous avions un mariage de raison… Mais quand je le voyais dans cette armure qui avait dû être portée jusqu’à la fin de Gwaird par un de ses héros mort dans des circonstances abominables, avec un ton presque métallique d’automate de chair, tout mon être se révulsait. La seule perspective d’un contact intime avec une chose animée aussi roide et rude me donnait une sorte de nausée glacée.
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Rendez-vous vendredi prochain à 21 heures !
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