La durée de la concentration
Comme la plupart des doctorants, je suis aussi chargée de TD (= Travaux dirigés) dans ma matière, en l'occurrence l'histoire du droit. A ce titre, et comme cela m'ennuyait beaucoup de faire simplement un cours comme j'en avais subis tant qui ne m'avaient pas convaincue, je me suis penchée sur des questions attenant à la pédagogie : motivation, rythme de la séance, ... J'ai également mis en place une catégorie dans mon blog pour suivre mes expérimentations, et donner des retours sur séances (http://iris-d-automne.over-blog.fr/tag/histoire%20du%20droit/).
En dépouillant les retours d'étudiants à la fin de mon dernier semestre je me suis rendue compte qu'un de mes grands progrès avait été de mieux rythmer le temps imparti, ce qui était pour moi (plutôt chaotique de base), une vraie révolution.
En quoi cela concerne-t-il le JdR et la conception de scénario ?
Tout meneur s'est retrouvé un jour (voire régulièrement) confronté à des joueurs ayant une concentration fluctuante. Auparavant je le voyais comme une sorte de fatalité, la caractéristique "volonté" n'étant pas partagée de manière homogène dans la population. C'est la posture typique du prof qui continue le cours même quand un pourcentage significatif d'apprenants décrochent Mais en fait, il suffit de prendre le problème par un autre bout pour améliorer le plaisir de tout le monde : séquencer et rythmer en fonction des aptitudes "moyennes" à l'implication & concentration... et ne pas réclamer un effort particulièrement intense.
Ci-dessous un petit résumé des grandes tendances de durées de concentration : exceptionnelle (le flow), bonne et normale.
Les degrés de concentration identifiés
La concentration optimale : le flow
Le flow est un terme utilisé en psychologie et désignant un état de concentration optimal, lequel peut avoir lieu dans tout type de domaine : sport, étude, art... Ceux qui en bénéficie sont totalement immergés dans leur activité, et ne perçoivent pas le temps qui passent. Il peuvent ainsi poursuivre un effort intellectuellement exigeant durant 3h, voire un peu plus (disons jusqu'à 4h30, mais après grosse fatigue).
Quand on y arrive, c'est formidable... mais impossible de le garantir, on peut seulement poser les conditions permettant son émergence : aucune distraction extérieure, ni en pensée ni en sonnerie de téléphone, ni en digestion de plat trop copieux.
La concentration impliquée
Plus accessible, ce type de concentration requière là aussi d'éliminer les alertes mails et téléphones (les coupures, même brèves, sont néfastes à un degré élevé de concentration et donc, en jeu, d'immersion.
Sa durée maximale est de l'ordre de 1h30. Au-delà, on peut poursuivre l'effort, mais hors flow, on est sur un "rendement descendant". En clair ça veut dire qu'il est préférable de faire une petite pause pour récupérer.
La concentration normale
Si on n'a pas affaire à des gens très impliqués, ou bien tout bêtement s'il y a la fatigue d'une journée de travail, ou autre, la durée maximale de concentration chute à 20-30minutes.
Pour la relancer, il faut, dans le cas de l'enseignement, changer de type d'activité : lecture, mise en commun, exercice...
Et en JdR ?
Car bon nombre de joueurs ne sont pas forcément au top de leur forme et motivation quand ils arrivent ! Si on admet que la durée "standard" de concentration est de 20 à 30 minutes, cela signifie qu'il faudra séquencer le type d'action en jeu :
- combat
- énigme
- discussions avec témoins
- voyage & ambiance
En conception de scénario cela implique de prévoir que les scènes d'un certain type ne se succèdent pas, par exemple, on évite 3 combats compliqués de 20 minutes (ou même 15 minutes) chacun, car on excède la séquence de concentration. On évite aussi de prévoir un scénario d'enquête - intrigue où il faut passer par l'examen de 15 témoignage de 5 à 10 minutes.
En écriture, il devient alors aussi important de penser "le meneur va devoir cadencer ses scènes, je dois faire attention à ce qu'il ait des options type action ou RP pour gérer son rythme"... ce qui peut passer par des encarts proposant de quoi relever un passage potentiellement long d'un genre.
Je pense que la plupart des meneurs qui ont un peu d'expérience le font de manière intuitive. Ce qui me semble intéressant, c'est que le noeud du problème réside apparemment dans l'aptitude à la concentration et c'est ce facteur qu'il faut considérer pour s'améliorer :-)
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