En suivant cette série, vous aurez constaté que les thèmes des articles proviennent souvent de discussions, remarques et questions que je reçois. Le vol d'idées est une question qui n'est pas fréquemment abordée, mais suffisamment régulièrement pour ne pas la considérer comme anecdotique. Tout le monde a déjà entendu parler de loin du plagiat littéraire, de la triche aux diplômes de recherche, ou du vol d'invention (brevet, etc.).
Alors faut-il avoir peur d'exposer ses idées à un éditeur ?
Une relation de confiance
L'édition d'un ouvrage ne fonctionne bien que si éditeur et auteur nouent une relation de confiance. Par principe, on admet que le partenaire cherche à agir pour le mieux, et en cas d'ambiguïté, on l'interroge, et il répond. Seulement la confiance n'apparaît pas du jour au lendemain, et ceux qui ont déjà souffert d'expériences déplaisantes (tromperies, clauses peu claires, rapport de force, etc.) sont inévitablement échaudés.
En résumant, la relation se présente un peu comme suit :
◾ L'auteur investit du temps, de l'énergie, et beaucoup de sensibilité.
◾ L'éditeur investit du temps, de l'énergie et de l'argent.
Il n'y a pas de recette miracle (ou alors je ne la connais pas) pour être sûr de quelqu'un. J'ai l'impression que le plus sûr reste encore de voir comment il fonctionne, comment il travaille, et évaluer si son attitude et ses réalisations sont convaincantes.
Dans tous les cas, si on ne se sent pas "bien", ce n'est pas la peine de s'embarquer dans une galère qui consommera à coup sûr du temps et de l'énergie, sans que la destination atteinte ne soit forcément satisfaisante.
Le vol d'idées existe-t-il vraiment ?
Oui et non.
En premier lieu il faut savoir que les idées ne sont pas protégées (en tous cas pas sur les créations écrites). Seul le texte effectif -- l’œuvre -- est protégé. Si vous discutez avec un auteur potentiel de votre dernière idée, il pourra l'utiliser. Mettons que je parle de ma campagne de la Forêt engloutie, et que raconte qu'il y a dedans un monstre-nénuphar qui n'a l'air de rien, et paf, attaque les gens isolés par surprise dans les marais. Je ne pourrais pas me plaindre si je découvre 1 an après que mon interlocuteur a tellement aimé le nénuphar tueur qu'il l'a placé dans une nouvelle, un roman ou un scénario.
Maintenant, suis-je inquiète ? Non. Dois-je cesser de parler absolument de toute œuvre en cours d'élaboration ? Je ne pense pas.
Si l’œuvre de mon interlocuteur est un succès, sera-ce à cause exclusivement du nénuphar-tueur ? Probablement pas. Il aura su mettre en scène une ambiance et une histoire, et sa réussite sera la sienne. Et puis... même s'il publie son nénuphar-tueur, ça ne m'empêche pas de le faire de mon côté (et d'avoir un meilleur nénuphar-tueur tant qu'à faire !).
Peut-on parler de vol s'il n'y a pas de perte ?
Nous puisons sans arrêt des bribes d'idées ici ou là. Quand on dit "Esteren a des ressemblances avec Princesse Mononoke, Berserk et Akira",
il s'agit de nommer des œuvres qui ont été assez puissantes pour
nourrir l'envie d'écrire et donner de l'énergie -- l'inspiration -- à
certains des premiers auteurs de la gamme.
Une
création est féconde lorsqu'elle donne des bribes d'idées à d'autres
créations. C'est même à cela qu'on reconnaît une œuvre réussie. A la
limite, si vous parvenez à donner envie à d'autres de vous "copier",
c'est que vous avez trouvé quelque chose. Et si la copie veut exister,
elle doit à son tour avoir une saveur propre, originale, et bref, être
féconde.
Les idées vivent, s'échangent et circulent.
Au moins dans l'écrit, il me semble qu'il n'y a pas à s'inquiéter que des gens puisent dans vos idées.
Sélection darwinienne des idées
Quand je travaille à un projet de scénario, mon approche consiste à préparer (dans la mesure du possible) un ensemble d'idées, de squelettes. Disons 3 à 5 par exemple. Ensuite a lieu une discussion éditoriale, et on détermine laquelle sera développée (ou développée en premier si plusieurs s'avèrent intéressantes).
J'ai l'impression qu'il en va souvent des idées comme des espèces : les meilleures (mieux structurées, plus adaptées, etc.) survivent et prospèrent, les autres vont sommeiller, être perfectionnées, recyclées ou laissées de côté. En présenter plusieurs permet d'avoir de bonnes chances de travailler sur quelque chose qui vous plaira.
En ce sens, il me paraît indispensable d'apprendre à avoir des idées, s'investir, et accepter qu'elles ne soient pas retenues. Pour travailler sur la longueur, j'ai le sentiment qu'il faut s'impliquer et savoir lâcher prise ; apprendre à renoncer à un moment, revenir plus tard. Il s'agit d'un mélange de détermination et de souplesse. La détermination permet de ne pas perdre de vue votre cap (créer, développer des idées qui vous tiennent à cœur) ; l'adaptabilité vous donne les moyens de gérer les contraintes.
Ne jamais arrêter de créer
On craint moins de perdre des idées ou qu'elles ne soient pas utilisées, si on en a un stock suffisant. Il est indispensable de réserver du temps, chaque semaine, à mener des recherches, réfléchir, écouter, noter. Les premières idées qu'on a viennent peut-être par hasard, mais sur la durée, il est important d'apprendre à en avoir, trouver ce qui nous convient comme méthode pour créer. Ce n'est pas juste une histoire de fulgurance, c'est aussi beaucoup de travail.
Photographie prise par mes soins lors d'une visite d'une exposition consacrée au pastel, au Petit-Palais. Vous les voyez les mignons pique-assiette ? Évidemment le gâteau, c'est votre idée ! (métaphoriquement s'entend). S'ils picorent quelques miettes du gâteau, est-on vraiment perdant ? (en plus ils sont mignons et ça donne le sentiment que notre gâteau est bon !)
◾ Proposer des canevas ou des scénarios, partie 10 - Les évidences qui ne le sont pas
◾ Proposer des canevas ou des scénarios, partie 11 - Enquête de vérité
◾ Proposer des canevas ou des scénarios, partie 12 - Auteur professionnel
◾ Proposer des canevas ou des scénarios, partie 13 - Le talent
En lisant ce blog, vous avez déjà pu voir que je travaille depuis un moment sur une campagne "Forêt engloutie" qui est actuellement jouée en "play by forum" en parallèle de sa rédaction.
- J'avais évoqué la question de sa structure en entrelacs, une méthode d'écriture et d'organisation des données visant à faciliter une maîtrise avec un groupe à composition fluctuante et avec des temps de parties limités (4h à 6h max). L'entrelacs est lié par défaut à des arcs narratifs qui facilitent l'organisation, ainsi dans un canevas d'étape, il est indiqué les arcs narratifs les plus aisément impliqués dans l'intrigue, ceux qui seront au cœur de l'affaire.
- Également, des recherches graphiques pour l'environnement marécageux, lui donner une identité. Outre cela, il y a des plans ébauchés, dont celui du petit château de Terfynisel.
- Certaines figures importantes sont déjà illustrées pour Terfynisel et les marais ; ou les Ronces présents dans les environs, notamment Cendres ; la mystérieuse Servane (mieux connue par mes joueurs comme "la sorcière") ; le célèbre feond nénuphar (on le trouve assez drôle jusqu'à ce qu'on constate les dégâts !)
Je vous propose ici une nouvelle série d'article ayant pour point commun les réflexions en coulisse sur la conception de cette campagne, et quelques clins d’œil à ce qui s'y déroule. Il s'agit d'une illustration des méthodes de travail, avec leurs tâtonnements et le plaisir de voir les joueurs explorer les intrigues, tisser des liens, s'impliquer et foncer dans la gueule du feond.
Mais que veulent les joueurs ?
Quand j'écris et mène, je me pose quantités de questions. Comment faire pour satisfaire autant que possible les uns et les autres ? Est-ce que je comprends bien leurs attentes ? Qu'est-ce qui les amuse ? Cette intrigue qui me plait tant est-elle appropriée à ce groupe ? Ceci n'est-il pas une fausse bonne idée ? Etc.
Récemment ces questionnements -- et des expériences ou échos d'expérience provenant notamment de parties de JdR dysfonctionnelles -- m'ont amenée à proposer un ensemble de grands groupes de goûts. Mes premiers sondages dans mon entourage m'incitent à penser que le modèle n'est pas totalement erroné, même s'il peut être certainement perfectionné.
Pour l'instant, j'identifie les axes de goûts suivants (sachant qu'ils peuvent tous être combiné mais que j'ai rarement vu de joueurs avoir plus de 3 goûts très marqués) :
- Accomplissement : surmonter un défi à composante physique / action
- Comprendre : trouver la vérité, déduire, créer un plan, bref surmonter un défi plus intellectuel
- Immersion dans le monde : voyager, apprendre des anecdotes, connaître le monde du jeu comme s'il était réel
- Immersion dans les relations proches : amitié, amour, bavardages, petites querelles et réconciliations
- Spectaculaire : pas de temps mort, des événements grandioses, des feux d'artifices, des effets spéciaux -- et un certain sentiment de puissance
- Tragédie : des dilemmes moraux, des émotions puissantes, le risque de l'échec, de la folie ou de la mort, des revirements puissants, des scènes à fendre le cœur, et aussi des historiques tourmentés, des psychés douloureuses et sensibles.
Note : il s'agit des goûts des joueurs. Il est peu probable que les personnages joueurs menés par un joueur aimant les tragédies se réjouissent de leur sort (ce serait assez antinomique, non ?).
Participez en nous disant ce que VOUS aimez !
Pour poursuivre la réflexion en étendant le champ des avis, j'ai préparé un petit sondage, et dès que j'aurai assez de réponses, je pourrai vous faire une synthèse. C'est par ici !
Photographie prise par mes soins au cours d'une visite du Jardin des fontaines pétrifiantes à côté du massif du Vercors (très chouette si vous aimez les jardins... certes, cette illustration n'a pas de lien évident avec ledit jardin !)
Après déjà plusieurs articles consacrés à la soumission de manuscrits, je vous propose un détour sur le fait de devenir auteur. En soi cette formulation est étrange : on est auteur de ce que l'on crée, peu importe le support ou la diffusion. Vous avez créé une histoire ou une aventure, peu importe combien de personnes la connaissent (ou l'apprécient), vous êtes auteur. Le propos ici sera d'utiliser "auteur" au sens d'une personne qui est rémunérée régulièrement pour ses écrits, et plus précisément dans le cas du JdR.
Une absence de diplôme
A ma connaissance, il n'existe pas de formation pour devenir auteur de JdR. J'ai bien entendu parler de M2 enseignant les techniques d'écriture -- ils peuvent donc être appliqués ici par extension --, mais dans l'ensemble, je pense qu'on peut admettre l'approximation généralisatrice : la seule formation à l'écriture de JdR qui existe est autodidacte, c'est-à-dire "sur le tas".
Par conséquent, chaque auteur à venir redécouvre un peu tout seul le fil à couper le beurre : comment s'organiser dans la journée, dans la semaine, sur la durée, comment faire passer des idées, les structurer, etc. En substance : vous allez nécessairement galérer au début et pendant un bon moment. Il s'agit de persévérer même si ce n'est pas parfait, faire de son mieux sans se décourager, et petit à petit l'aisance viendra.
Une autre activité principale
Le fait que l'on apprenne à écrire en écrivant signifie aussi qu'au moment où l'on commence à écrire, on n'est pas opérationnel. Il manque des réflexes, des notions, des repères pour être à l'aise et savoir comment s'y prendre au mieux. On perd beaucoup de temps à découvrir son rythme d'écriture, ou la manière la plus optimale d'aborder un problème.
Il en découle que tout le monde (je pense) a une activité principale comme source de rémunération au moins au début. Avoir une vie professionnelle prenante à côté (et aussi amoureuse, familiale, associative, etc.) réduit inévitablement le nombre d'heures que vous pouvez consacrer chaque semaine à vos écrits.
Supposons que vous puissiez écrire 5h par semaine, cela représenterait dans les 10K d'écriture, peut-être un peu plus, mais pas énormément. Ajoutez autant de temps ensuite pour intégrer les retours, faire les reprises de texte etc. Il faut bien être conscient que 5h à consacrer chaque semaine, c'est comme faire 1h de jogging chaque jour, qu'il vente, pleuve ou neige. C'est le même type d'engagement.
- Un canevas avec des annexes pèse dans les 30 à 40K, soit 3 à 4 semaines d'écriture avec ce rythme. Si on ajoute le traitement des retours, on peut espérer que ce sera totalement terminé en 2 mois.
- Un module pèse 50 à 100K, soit 5 à 10 semaines d'écriture dans ces conditions. Si on ajoute les retours immédiatement derrière, cela ferait environ 6 mois de votre vie dédié à ce projet.
- Pour une campagne, disons ... 700K ? 70 semaines à ce rythme. Un an et demi juste pour écrire ; soit potentiellement 3 ans de votre vie pour faire aboutir une campagne avec rigueur en ayant une vie bien remplie à côté.
Dans le cas d'un module, il est possible d'écrire "à fond" au début, et ensuite finir plus tranquillement, avec toujours de la rigueur. En revanche, quand il s'agit d'écrire un gros volume, démarrer fort est peut-être utile, mais l'enjeu est surtout de tenir sur la durée.
A moins que vous soyez du genre super tenace, et que vous vous connaissez comme tel, je pense qu'il est plus sûr de commencer par un projet à taille humaine (le module ! le canevas !) pour vous faire la main. Rêver à plus grand, c'est bien, mais commencer trop gros peut aussi faire courir le risque de s'épuiser et se décourager.
... et d'ailleurs rien n'empêche de concevoir une campagne constituée de plusieurs modules : si vous arrivez vraiment au bout de tout ce qui était prévu, ce sera super, et si vous vous épuisez en chemin, vous aurez la satisfaction d'avoir déjà rédigé plusieurs aventures.
Au-delà de la première histoire
Vous avez réussi à créer un module ou une campagne courte, et mieux, elle plait ! A ce moment, vous devriez vous connaître suffisamment pour évaluer ce que vous voulez.
Peut-être que participer une fois à l'aventure de la création d'un module vous aura suffi, et pour la suite, vous n'éprouverez plus la même envie de suer sang et eau pour faire aboutir une oeuvre.
Ou bien vous vous rendrez compte que vous avez encore beaucoup d'idées, que vous n'avez fait qu'effleurer la surface et vous voudrez poursuivre.
Peut-on en vivre ?
La question se pose avant tout pour ceux qui se rendent compte qu'ils écriront quoi qu'il arrive, parce que c'est quelque chose d'important pour eux, peu importe la forme que cela prenne.
La réponse est "oui, on peut en vivre". Mais il y a des "mais" : vous avez intérêt à être très bien organisés, à avoir des proches qui vous soutiennent (ou un bas de laine ou les deux) pour les périodes de vache maigre. Parvenir à gagner un SMIC en tant qu'auteur, c'est être privilégié par rapport à la masse des auteurs qui reçoivent très peu (et donc concrètement, n'en vivent pas). Si vous avez un métier par ailleurs bien payé ou un crédit à rembourser ou plusieurs enfants, ce n'est sans doute pas le meilleur plan d'avenir. Comme la plupart de ceux qui sont susceptibles de devenir auteurs ont une vie "avant", il est facile de mettre en balance ce qu'on a et qu'on est prêt à perdre, par rapport à ce que l'on rêve d'atteindre. Il y a un avant et un après lorsqu'il s'agit de devenir professionnel.
Le métier, même quand on a des contrats, reste précaire, et chaque année passée à vivre de vos créations est une victoire. Si vous passez un certains seuil de revenu, vous pouvez déposer un dossier auprès des AGESSA pour être reconnu comme auteur du point de vue administratif (sécurité sociale, caisse de retraite, caisse de retraite complémentaire obligatoire). Chaque année, il faudra préciser à nouveau vos gains en droit d'auteur pour avoir le droit de dépendre de ces administrations (bonne nouvelle : les démarches de réactualisation sont infiniment moins pénibles que le premier dossier).
Au-delà même des aspects matériels, faut aussi avoir conscience que les critiques peuvent être virulentes, et que les défis qui vous attendent ne diminuent pas en difficulté : stress des cadences de travail et des deadline, se renouveler malgré tout, travailler en équipe, faire face à des imprévus improbables (mais qui sont tout de même assez réguliers en fait !).
Un des buts du studio Agate
Au sein du studio Agate, nous cherchons à faire en sorte que les collaborateurs puissent vivre de leur travail créatif. C'est un but qui est en perpétuelle construction, nécessitant de se remettre sans cesse en question et de s'adapter, ne pas se laisser décourager, et rester ouvert aux opportunités. Il y a des difficultés, mais aussi de belles rencontres, de nouveaux membres d'équipe qui nous rejoignent plein d'enthousiasme et d'énergie.
... et peut-être qui sait, certains de ces futurs membres lisent ces lignes ?
Star rock - Muriwa - Par Jamie Wang - Nouvelle Zélande
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 10 - Les évidences qui ne le sont pas
- Proposer des canevas ou des scénarios, partie 11 - Enquête de vérité
Avec ce dixième article (lien vers les précédents en bas de page), je vous propose une halte du côté de ce qui peut paraître évident ou important pour l'auteur, mais peu exploitable ou superflu pour le meneur. Il s'agit surtout d'avertissements plutôt que de règles absolues : dans la grande majorité des textes que j'ai lu, les types d'informations présentés ci-après ne fonctionnaient souvent pas très bien, et gagnaient à être coupées -- ou réellement développées.
Les informations sous-entendues
Autant dans un roman, il peut être acceptable -- voire intéressant -- de ne faire qu'esquisser un élément essentiel qui se révèle tel à la fin de la lecture ou à la seconde lecture, autant dans un scénario de JdR, il est vraiment important d'être explicite.
Votre texte pourrait être lu une fois de travers par un
meneur pressé qui devra rapidement préparer sa partie : il faut qu'il
apprenne clairement tout ce qu'il doit savoir dans l'ordre de sa
lecture, sans avoir à s'interroger sur un possible double sens cryptique.
Votre texte sera peut-être utilisé en jeu à 1h ou 2h du matin, après déjà plus de 5h de jeu : le meneur doit comprendre facilement ce qu'il lit, même en étant fatigué.
La métaphore au cœur de l'histoire
Certains meneurs souhaitent enrichir leur histoire avec des métaphores, pour les rendre plus fortes, plus profondes. Cette démarche est positive, mais elle devient problématique si comprendre le fond que l'auteur avait à l'esprit est nécessaire pour jouer.
Quand vous écrivez une histoire à contenu métaphorique, comparez-la à un scénario "normal" de la gamme et vérifiez qu'elle en remplit tous les critères. Ceux-ci assurent que le scénario répondra aux attentes. Si vous le faites, avec des métaphores et un contenu orignal en plus, c'est parfait !
Exemple : Les Ombres d'Esteren, sont un JdR médiéval-fantastiques aux accents gothiques et horrifiques. Avez-vous des éléments gothiques ? Médiévaux ? Horrifiques ? Vous pouvez également vérifier du côté des quatre tonalités modulaires clefs : psychologie, suspense, gore, surnaturel. Si votre scénario offre la possibilité concrète d'avoir des scènes étoffées dans ces styles, alors il a de bonnes chances de pouvoir répondre aux attentes des meneurs et des joueurs.
Les informations données pour l'ambiance
Quand on écrit quelque chose qui nous tient à cœur, on a parfois la tentation de décrire tout ce qui nous est venu à l'esprit à ce propos. Le problème apparait lorsque ces informations n'ont pas d'utilité dans l'histoire.
Exemple : les aventuriers découvrent une ruine, et l'auteur décrit des détails de la vie quotidienne, mais aucun élément dans l'exploration ne permet aux personnages d'avoir accès à ces informations qui ne sont accessibles qu'au meneur.
Toute donnée qui ne sert qu'au plaisir du meneur, sans la moindre chance d'apparaître en jeu, est du signage mal utilisé ; de même les informations dont le meneur ne saurait quoi faire dans le jeu.
... Fort heureusement, pour corriger ce travers, il suffit de pousser plus loin la réflexion sur les possibilités d'application :
Supposons que vous décidiez de décrire une petite ville et que vous ayez envie de préciser les modalités de paiement de l'impôt dans cette localité. Ce type de scène pourra servir à transmettre une ambiance, des normes et des rapports de force. Si vous êtes dans une localité où règne un tyran local, la collecte des impôts n'aura pas du tout la même allure que dans une ville extravagante où une loterie est organisée à cette occasion, et toute personne qui paie ses impôts gagne un ticket, de sorte qu'il pourrait gagner plus qu'il n'a payé. Dans le premier cas, on pose une ambiance pesante d'injustice et d'inégalité ; dans le second, on prend les joueurs à revers, en les confrontant à une situation qui devrait les surprendre, de sorte qu'il s'attendront ensuite à d'autres bizarreries et finiront par se dire que l'anormal est normal dans cette ville.
Une scène d'ambiance permet de donner une idée des codes, des dangers et des opportunités d'un lieu. Elle est riche d'enseignements.
Les fausses-pistes
Méfiez-vous des fausses-pistes : en mettre est souvent une fausse bonne idée. On croit que c'est utile au jeu, que sans ça ce sera trop facile, et si on n'a pas de chances, les joueurs préfèreront l'intrigue qu'ils imaginent avec cette fausse piste ; ou bien ils trouveront le mystère de la fausse piste plus intéressant ; ou bien ils se sentiront floués d'avoir passés des heures à se casser la tête "pour rien".
La fausse-piste, pour ce que j'ai pu en voir dans les textes, vise à rendre les enquêtes difficiles. Mais dans une véritable enquête, y'a-t-il de fausses pistes ? Pas tout à fait : il y a des hypothèses qui se révèlent des impasses. Or ces théories infructueuses naissent dans l'esprit de l'enquêteur : l'équivalent en jeu, ce sont les idées des joueurs. Les fausses-pistes d'un scénario d'enquête naîtront tout naturellement autour de la table, en jouant.
Il est vrai cependant que les fausse-pistes et les interprétations des joueurs s'appuieront sur la richesse de l'environnement décrit. Plus les protagonistes d'une enquête sont décrits avec finesse (psychologie, goûts, projets, etc.) et plus les joueurs auront de la matière pour imaginer ce qui aurait pu arriver. Au final, plutôt que de créer de fausses-pistes, développer le cadre avec soin pourrait avoir le même effet (foisonnement des pistes) sans les inconvénients.
Les évocations laissées au bon soin du meneur qui développera
Il peut arriver qu'en écrivant on ait une idée qui semble pouvoir être riche, mais la développer, là, tout de suite, prend trop de signage, ou bien on se dit que ce sera facile, ou évident, que le meneur pourra improviser...
Bref, le scénario contient une piste qui n'est pas forcément exploitable. Elle pourrait demander trop de travail au meneur pour prendre forme, ou bien n'être claire et évidente que dans l'esprit de l'auteur.
Globalement, "les choses que le meneur développera s'il le
veut" sont à manier avec prudence : le meneur est capable de créer,
mais s'il acquière un scénario du commerce, c'est souvent parce qu'il
n'a pas le temps, ou ne se sent pas prêt à créer un scénario, dès lors
lui dire "ça, tu le feras si tu veux", ne répond pas vraiment au besoin
d'un acheteur.
Si vraiment vous tenez à proposer une piste, assurez-vous qu'elle contienne assez d'éléments pour être facilement prise en main : un événement modificateur / une implication possible pour les PJ ; une forme d'adversité ; une résolution possible. Sous cette forme, la piste peut servir à adapter la durée du jeu, par exemple occuper le groupe en attendant un joueur qui est en retard, ou bien si la partie a duré trop peu longtemps, offrir une petite prolongation.

Reflets dans une flaque, dans un bois près de Lyons-la-forêt, photo prise par mes soins